Quand le prix de l’eau chute
A l’instar de Nice, Lyon ou Lille, les grandes villes livrent un bras de fer aux géants Véolia et Suez pour renégocier leurs contrats de gestion. A la clé, des tarifs en baisse de 20 à 30%.
Les factures d’électricité et de gaz explosent, celle
de l’eau s’évapore. Une fois n’est pas coutume, les Français bénéficient de la
baisse d’un bien essentiel et le gouvernement n’y est pour rien. Les élus
locaux sont à la manœuvre. Plusieurs grandes villes françaises revoient en ce
moment leurs contrats de gestion de l’eau. Lyon, Bordeaux, Lille, Marseille ou
Nice ont engagé un bras de fer avec les géants historiques Veolia et Suez
Environnement.
Une décision du conseil d’État (arrêt Olivet) permet
aux élus de rompre les contrats supérieurs à vingt ans à partir de 2015. Une
aubaine alors que certaines concessions datent de plus de cent ans! Les
opérateurs vont souffrir. La Lyonnaise des eaux, filiale de Suez, a su réagir
vite tandis que Veolia temporise, comme à Nice où le maire UMP est déterminé :
Christian Estrosi a annoncé vendredi qu’il comptait réviser tous les contrats
pour les 600.000 habitants de la métropole.
Bordeaux recréé une régie publique
D’ici à la fin de l’année, la ville remettra à plat
ses prix après avoir déjà obtenu 20% de baisse pour sa banlieue. La
distribution de l’eau sera mise en concurrence pour la première fois depuis…
1864! L’édile n’exclut pas de tout reprendre en gestion publique comme pour les
transports, les cantines scolaires et les équipements sportifs. "Quand je
vois comment ils baissent les prix, c’est qu’ils ont de la marge, explique
Estrosi au JDD. Nous gérons mieux que
des entreprises privées. C’est grâce à la ville si les nageurs Yannick Agnel et
Camille Muffat sont devenus champions olympiques!"
Sa voisine Marseille a choisi de garder une gestion
privée de l’eau avec Veolia et Suez. Mais elle vise une baisse des prix de 20%
à 30% pour son million d’habitants. Les 750.000 habitants de la communauté
urbaine de Bordeaux vont aussi alléger leur facture. Vendredi prochain,
l’agglomération signera un contrat de six ans avec la Lyonnaise des eaux pour
l’assainissement. Les Bordelais économiseront 30 euros par an, soit 6% d’une
facture totale d’environ 500 euros. En attendant un nouveau rabais de même
ampleur en 2014 pour la distribution de l’eau. Et en 2018, Bordeaux ira plus
loin en reprenant l’ensemble de la gestion à travers une régie publique de
1.000 employés. "Avant, on se faisait balader. La gestion publique peut
être rentable à condition qu’on ait la même exigence qu’avec les entreprises
privées", se justifie Vincent Feltesse, président PS de la communauté
urbaine.
Le 8 octobre, ce sera au tour du Grand Lyon de
choisir. Depuis quarante ans, Veolia, Suez et Saur se partageaient plusieurs
contrats. Pour accentuer la concurrence, le maire, Gérard Collomb (PS), remet
en jeu une délégation unique. Après avoir fait fondre les prix de 16% en 2008,
il vise une nouvelle économie de 20%, mais reste réticent au tout public.
"C’est difficile de tout reprendre d’un coup à un moment où l’État va nous
ponctionner davantage, estime Gérard Collomb. Je préfère un contrat bien
négocié avec un contrôle fort des élus."
Un retour de balancier?
Le sénateur du Rhône et maire de Lyon ne croit pas
qu’une régie publique sans exigence de rentabilité diminue les prix en assumant
le coût de 400 nouveaux employés. Et ces dernières années les industriels ont
eu tendance à augmenter les salaires et avantages sociaux pour décourager les
villes de les reprendre à leur compte.
Bordeaux et Lyon sont regardés
de près par Lille, qui tranchera début 2013 pour son million d’habitants. Elle
aussi compte profiter de l’arrêt Olivet. En face, Veolia et Suez n’ont d’autre
choix que de casser les prix. Au détriment des investissements dans les
stations d’assainissement, les tuyaux… "A terme, on risque un retour de
balancier qui nécessitera d’investir davantage et d’augmenter de nouveau les
prix", prévient Philippe Maillard, directeur général de la Lyonnaise des
eaux. Au cours des cinq dernières années, leur marge, jusque-là de 15%, a
baissé de moitié.
Transmis par Jean Luc Touly