mardi 25 septembre 2012

EAU D'ICI et d'AILLEURS


Quand le prix de l’eau chute

A l’instar de Nice, Lyon ou Lille, les grandes villes livrent un bras de fer aux géants Véolia et Suez pour renégocier leurs contrats de gestion. A la clé, des tarifs en baisse de 20 à 30%. 

Les factures d’électricité et de gaz explosent, celle de l’eau s’évapore. Une fois n’est pas coutume, les Français bénéficient de la baisse d’un bien essentiel et le gouvernement n’y est pour rien. Les élus locaux sont à la manœuvre. Plusieurs grandes villes françaises revoient en ce moment leurs contrats de gestion de l’eau. Lyon, Bordeaux, Lille, Marseille ou Nice ont engagé un bras de fer avec les géants historiques Veolia et Suez Environnement.
Une décision du conseil d’État (arrêt Olivet) permet aux élus de rompre les contrats supérieurs à vingt ans à partir de 2015. Une aubaine alors que certaines concessions datent de plus de cent ans! Les opérateurs vont souffrir. La Lyonnaise des eaux, filiale de Suez, a su réagir vite tandis que Veolia temporise, comme à Nice où le maire UMP est déterminé : Christian Estrosi a annoncé vendredi qu’il comptait réviser tous les contrats pour les 600.000 habitants de la métropole.

Bordeaux recréé une régie publique

D’ici à la fin de l’année, la ville remettra à plat ses prix après avoir déjà obtenu 20% de baisse pour sa banlieue. La distribution de l’eau sera mise en concurrence pour la première fois depuis… 1864! L’édile n’exclut pas de tout reprendre en gestion publique comme pour les transports, les cantines scolaires et les équipements sportifs. "Quand je vois comment ils baissent les prix, c’est qu’ils ont de la marge, explique Estrosi au JDD. Nous gérons mieux que des entreprises privées. C’est grâce à la ville si les nageurs Yannick Agnel et Camille Muffat sont devenus champions olympiques!"
Sa voisine Marseille a choisi de garder une gestion privée de l’eau avec Veolia et Suez. Mais elle vise une baisse des prix de 20% à 30% pour son million d’habitants. Les 750.000 habitants de la communauté urbaine de Bordeaux vont aussi alléger leur facture. Vendredi prochain, l’agglomération signera un contrat de six ans avec la Lyonnaise des eaux pour l’assainissement. Les Bordelais économiseront 30 euros par an, soit 6% d’une facture totale d’environ 500 euros. En attendant un nouveau rabais de même ampleur en 2014 pour la distribution de l’eau. Et en 2018, Bordeaux ira plus loin en reprenant l’ensemble de la gestion à travers une régie publique de 1.000 employés. "Avant, on se faisait balader. La gestion publique peut être rentable à condition qu’on ait la même exigence qu’avec les entreprises privées", se justifie Vincent Feltesse, président PS de la communauté urbaine.
Le 8 octobre, ce sera au tour du Grand Lyon de choisir. Depuis quarante ans, Veolia, Suez et Saur se partageaient plusieurs contrats. Pour accentuer la concurrence, le maire, Gérard Collomb (PS), remet en jeu une délégation unique. Après avoir fait fondre les prix de 16% en 2008, il vise une nouvelle économie de 20%, mais reste réticent au tout public. "C’est difficile de tout reprendre d’un coup à un moment où l’État va nous ponctionner davantage, estime Gérard Collomb. Je préfère un contrat bien négocié avec un contrôle fort des élus."

Un retour de balancier?

Le sénateur du Rhône et maire de Lyon ne croit pas qu’une régie publique sans exigence de rentabilité diminue les prix en assumant le coût de 400 nouveaux employés. Et ces dernières années les industriels ont eu tendance à augmenter les salaires et avantages sociaux pour décourager les villes de les reprendre à leur compte.
Bordeaux et Lyon sont regardés de près par Lille, qui tranchera début 2013 pour son million d’habitants. Elle aussi compte profiter de l’arrêt Olivet. En face, Veolia et Suez n’ont d’autre choix que de casser les prix. Au détriment des investissements dans les stations d’assainissement, les tuyaux… "A terme, on risque un retour de balancier qui nécessitera d’investir davantage et d’augmenter de nouveau les prix", prévient Philippe Maillard, directeur général de la Lyonnaise des eaux. Au cours des cinq dernières années, leur marge, jusque-là de 15%, a baissé de moitié.
Transmis par Jean Luc Touly